L'architecture extérieure (2)

Le chevet n'est pas visible puisque la sacristie, construite plusieurs siècles plus tard, en est l'exact prolongement, ce qui fausse malheureusement les proportions de l'église, allongée excessivement par rapport à sa forme première, sans souci de l'équilibre de son périmètre.
On peut être assuré que le chevet, comme la façade ouest et les murs latéraux, était en grand appareil.
 
Contrairement à beaucoup d'églises romanes dont le chevet est semi-circulaire, correspondant à l'intérieur de l'édifice à une abside arrondie "en cul de four", avec de multiples variantes, à Saint Illide, le chevet est plat, probablement sans sculptures, très sobre, à l'exemple du portail avec lequel il constitue l'élément le plus travaillé, car le plus chargé de symbole religieux.
Le mur droit du chevet est évidemment le plus simple à bâtir, à angle droit avec les murs latéraux.
 
Est-ce, à Saint Illide, l'influence de l'école limousine, comme on l'a parfois avancé ?
Personne ne conteste aujourd'hui que l'église de St Illide appartienne à l'école romane limousine. C'est en particulier la position de Deribier qui a écrit, en 1902, un ouvrage très documenté sur les églises romanes de Haute-Auvergne, qui fait toujours référence.
Cet auteur relève trois points à l'appui de cette thése, outre la proximité de la paroisse avec le Limousin : le chevet droit, la voûte en berceau brisée fractionnée par des doubleaux également brisés, l'ornementation végétale des chapiteaux.
 
Le chevet droit est aussi le témoignage du manque de moyens des constructeurs, sans doute une sobriété presque une pauvreté imposée par l'abbaye-mère de Saint Géraud d'Aurillac qui construisait là un sanctuaire adapté à un prieuré d'importance modeste, en un temps où cette abbaye installait simultanément plusieurs autres prieurés placés sous son autorité, autour d'Aurillac et, parfois, beaucoup plus loin.
 
Pour en terminer avec les rares sculptures et ornements extérieurs de l'église (on verra que l'intérieur du sanctuaire est, symétriquement, aussi rustique), il faut remarquer la belle croix trilobée à personnage très apparent, sans doute de l'époque romane, qui surmonte la toiture à 3 pans au dessus de la sacristie.
Ce crucifix était encore placé au sommet du clocher au début du XX ème siècle, comme l'atteste une vieille photo.
C'était là, probablement, sa place d'origine avant qu'il ne soit remplacé par une croix en fer forgé puis par l'actuel crucifix métallique, d'allure plus ou moins celtique et de couleur jaune, qu'il est permis de trouver incongru et peu esthétique...
 
 
Le clocher, comme le portail et le pignon Ouest, est du XI ème ou XII ème siècle.
La qualité et la beauté de son appareil sont saisissantes. Malheureusement, le profil du clocher souffre du relèvement de 1,50 mètre opéré au XVIII ème siècle, sur le faîtage de la toiture Ouest.
En un temps où les préoccupations esthétiques n'étaient pas les nôtres, on n'a pas perçu que cette opération écraserait beaucoup l'aspect du clocher, aux belles proportions romanes, qui s'en trouve endommagé sur ses faces Nord et Ouest, les plus visibles pour le visiteur.
 
L'ancienneté du clocher carré de Saint Illide est d'autant plus remarquable que la plupart des clochers romans existants dans le Cantal  ont été abattus lors de la Révolution, particulièrement dans le secteur d'Aurillac.
On a déjà évoqué (voir le chapitre : une longue histoire) la furie destructrice des révolutionnaires à l'ouest d'Aurillac après 1790. Il n'était pas supportable que les sanctuaires continuent à dresser leur clocher avec orgueil, symbole de la domination de l'église !
Les révolutionnaires avaient raison. Le clocher joue un rôle central dans l'action de l'église. C'est pourquoi, sa réalisation doit être aussi soignée.
Outre sa culminance sur les alentours, il est conçu pour adresser à la population des messages sonores compris de tous : rythme des heures, appels à la prière et aux diverses cérémonies religieuses, alertes en cas de danger, etc.
La dimension et le nombre des cloches qu'il contient sont aussi le témoignage, sinon la preuve, de la richesse et de la puissance du village ( voir l'article sur les cloches).
A Saint Illide comme ailleurs, le clocher est construit en même temps que la façade, quand la structure de base au niveau du chœur et des piliers latéraux est suffisamment solide pour en supporter le poids.
Ici, le clocher est à cheval sur le chœur et la première travée de la nef, l'essentiel de son poids étant supporté par l'arc triomphal, c'est-à-dire les deux gros piliers marquant l'entrée du chœur.
On se souvient qu'à la suite d'un violent orage, le clocher s'est effondré, au moins en partie, le 7 juin 1722 causant plusieurs morts à l'intérieur de l'église. Quelle partie du clocher a t-elle été touchée par ce sinistre ? A défaut d'archives sur ce point, il est probable, à l'examen, que les faces Sud et peut-être, en partie, Ouest aient été reconstruites, comme apparaissant de facture plus récente.
 
Les côtés Ouest, Sud et Est du clocher sont percés de grandes ouvertures rectangulaires, les ouïes étant plus petites à l'Ouest en raison de la surélévation du toit. Ces ouvertures ont été garnies d'abat-sons à l'époque moderne, particulièrement au Sud.
Elles sont opportunément soulignées à leur base, par un mince bandeau continu, cependant interrompu à l'Ouest par la surélévation. Ce bandeau est absent sur la face Sud, sans doute en raison de la reconstruction partielle du clocher accidenté.
 
La face Nord est, de loin, la plus remarquable.
Elle est en effet pourvue  de 2 baies géminées qui ont beaucoup de légèreté et de style.
 
Sur chacune des baies, 2 boudins partant de la base, sont doublés de beaux claveaux monochromes en plein cintre et se rejoignent sur une colonne à chapiteau. 
L'ensemble, en excellent état, a beaucoup de grâce et en fait sans doute, le plus bel ornement de l'église, en tout cas le plus élégant.
 
Sur la vieille photo ci-dessus, datant sans doute des années 20- 30, on aperçoit sur le haut du clocher, orientée à l'Est, une lucarne avec son avant-toit,  aujourd'hui disparue.
On y voit aussi une horloge circulaire sur la face Nord. Est-ce l"horloge civique" installée pendant la Révolution qui permit de sauver une des cloches de l'église ? (voir l'article sur les cloches).
Cette horloge, fort heureusement, a été supprimée, donnant toute son allure et son aspect d'origine au toit du clocher dont on observera le profil légèrement relevé en pagode à son extrémité, ce qui participe à l'élégance de son profil.
 
 
La couverture de l'église est en lauzes sur toute sa superficie.
Plusieurs photos antérieures  à 1950 montrent qu'elle a subi d'importantes modifications que, même les Miraliers les plus âgés ont dû oublier...
 
En effet, vers 1940, chaque pan de toit, au Nord et au Sud, était d'une seule pièce, sans interruption, du faîtage jusqu'à l'aplomb des fenêtres, ce qui alourdissait beaucoup le profil de l'église.
 
 
Un peu plus tard, l'angle du toit est plus ouvert car chaque versant de la couverture est désormais à 2 pans, ce qui casse le profil précèdent, modifie beaucoup l'aspect général et redonne un peu de légèreté à l'ensemble.
Ce changement, très important, suppose un bouleversement de la charpente et une reprise de toute la couverture de l'église.
 
Qui a pris cette décision de transformer ainsi la toiture ? Certainement le conseil municipal de la commune, propriétaire de l'édifice. Et pourtant, on ne trouve pas trace de la délibération...
 
Tel est aujourd'hui l'état de la toiture, en sachant que la couverture en lauzes doit être régulièrement entretenue et la toiture renouvelée au moins une à 2 fois par siècle, un peu moins souvent, avec de la chance.
Remarquons que le terme de "lauze" n'est pas antérieur au XIX ème siècle. Précédemment et même plus tard, on parlait de toiture en "tuiles de carrière"ou en "tuiles grises" ou encore en "ardoises basaltiques".
 
L'église d'origine était-elle déjà couverte en lauzes ? C'est une possibilité, même à cette époque où toutes les habitations étaient couvertes en chaume de seigle, voire en genêt. On sait que des églises étaient, elles aussi, couvertes en chaume, malgré sa grande vulnérabilité au feu. Ainsi de l'église de Salers.
Nous n'avons aucun indice au sujet de l'église de Saint Illide, sauf à noter que la voûte en pierre autorisait le poids très élevé d'une toiture en lauzes.
 
Avant d'entrer dans l'église pour examiner son architecture intérieure, qu'il soit permis de poser 2 questions et d'évoquer un souvenir sur ce qui n'est plus l'église elle même mais qui l'environne de très près. 
 
La première question est relative au calvaire situé à droite du portail d'entrée.
De ce calvaire, pourtant volumineux, on ne parle jamais et il n'y a plus, depuis longtemps, d'événement religieux célébré sur son autel de pierres, en fait le piédestal de la grande croix en fer forgé qui le surmonte.
Ce calvaire était là au début du XX ème siècle.
Est-il du XIX ème siècle ? C'est à peu près certain pour le crucifix, à voir son style très chargé qui n'évoque en rien l'époque baroque ou classique.
L'autel est, peut-être plus intéressant. Il est d'une forme sobre, bâti en grandes pierres ornées sur le devant, de l'agneau étendu sur une croix, symbole de la Passion du Christ.
 
 
La forme de cette assise, la qualité du matériau et de la sculpture peuvent faire penser au réemploi de pierres ou d'un ensemble en provenance du prieuré, déjà en ruines à la fin du XVIII ème siècle.
On observera que le calvaire de Saint Illide est très voisin, dans sa forme et ses dimensions, de celui placé devant l'église de Saint Cernin, dont l'antiquité n'est pas mise en doute.
 
La deuxième question est relative à une évidence, connue de tous, mais peut-être pas aussi banale qu'il y paraît.
Comment expliquer le dénivellement brutal de 3 à 4 mètres entre l'église et l'assise du prieuré, actuellement l'école Sainte Virginie ?
Cet à-pic est sans équivalent en aucun endroit du bourg, au Nord comme au Sud.
Il s'explique certainement par la volonté d'élargir la superficie d'assise du prieuré pour le rapprocher le plus possible du sanctuaire qui occupe le sommet de l'éperon rocheux.
Comment, alors, faciliter l'accès des moines à leur église dans laquelle ils se réunissaient 8 fois par jour, en habit de chœur, comme tous les bénédictins d'hier et d'aujourd'hui ? Par un escalier, bien sûr.
 
Laissons un peu courir l'imagination, sans perdre la logique de vue...
 
L'escalier se trouvait dans la tour desservant le clocher qui devait forcément être de ce côté, c'est-à-dire au Sud.
En effet, sur la face Nord du sanctuaire, le clocher présente ses baies géminées : pas de place pour une tour qui, en plus, aurait abouti sur le cimetière entourant  l'église, sans respecter l'exigence d'isolement des moines.
Jusqu'en 1755, les moines ont donc un accès direct et protégé à l'église. On peut d'ailleurs supposer que la tour était accolée au prieuré. 
Dans l'église, ils disposent certainement à la sortie de la tour, d'une sacristie, indispensable à la préparation des offices.
En 1755, la tour est supprimée, elle n'est plus utile, et la sacristie sera alors construite dans le prolongement du chevet.
 
A cette date, le dernier prieur est parti, il n'y a plus de moines à Saint Illide, le prieuré est vendu, la question de l'accès direct des moines à l'église ne se pose plus ! C'est pourquoi d'ailleurs, la tour a pu être abattue. L'accès au clocher se fera désormais depuis l'intérieur de l'église.
 
Là se place le souvenir.
Souvenir des "sœurs", religieuses de l'Enfant Jésus, qui empruntaient jusque dans les années 70 ou 80, un petit escalier en pierre, étroit, qui montait de l'école jusqu'au parvis de l'église, près du calvaire.
 
Souvenir moins précis, plus ancien, dans les années 50 peut-être, où il n'y avait pas encore d'escalier et les mêmes sœurs devaient emprunter, au même endroit, un passage, assez périlleux fait de quelques pierres sorties du mur ; ce passage qui depuis longtemps sans doute,  permettait aussi d'aller de l'ancien prieuré devenu école à l'ancien sanctuaire des moines.
 
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