INAUGURATION DE LA CHAPELLE D’ALBART
Discours prononcé par M. JARRIGE, Maire de St Illide
Madame, messieurs,
Le peuple que je représente
à cette fête, avait déjà, par son patron Saint Allyre,
le plus gracieux nom parmi ceux du doux pays de France. Le voici aujourd’hui
le plus riche et le plus heureux par les bienfaits d’un de ses enfants.
A énumérer la munificence de Darnis envers nous il semblera à
plus d’un cœur reconnaissant que je redis une légende des
meilleurs temps de nos pieuses montagnes , à plus d’un esprit positif
qu’elle est aussi difficile à croire .
,
Aux jours de l’évêque Allyre nous savons que notre pays était
forcé de porter chaque année les fruits de ses récoltes
à un tyran qui usurpait sur les bords du Rhin le titre d’Empereur.
La sainteté d’Allyre obtint que l’Auvergne garderait son
blé, son vin et son bétail au lieu de les perdre par cet interminable
et douloureux convoi de deux cents lieues.
Grâce à Darnis, notre aimé pays garde désormais un
trésor meilleur que les gerbes et le vin, il gardera pour lui cette belle
et vigoureuse jeunesse qui le quittait chaque année, pour aller chercher
au seuil amer et lointain de l’étranger les ressources absentes
au foyer natal.
Nos jeunes gens qu’iraient-ils maintenant chercher hors du pays ! la richesse
! Elle est pour eux ici plus abondante et plus facile à gagner que partout
ailleurs. Les merveilles de l’éducation et de l’art ? Ces
merveilles seront celles de nos écoles agrandies et stimulées,
celles de notre pierre d’Auvergne ciselée et assouplie comme les
plus beaux marbres antiques.
Notre ciel lui-même ne semble-t-il pas adouci depuis que Darnis l’a
doté de cette église neuve, ajourée et sonore sur la montagne
verte ! Le privilège le plus fécond aujourd’hui, un des
plus beaux titres que puisse trouver un enfant dans son berceau, c’est
celui d’être fils de Saint Illide.
C’est Paris qui maintenant
est à nos gages et nous envoie ses meilleurs artistes à récompenser.
Ce sont les plus puissants empires, l’Autriche, la Russie, l’Asie
avec Suez, l’Italie par Rome elle-même, qui nous paient tous les
ans la part de leurs tributs fixés par Darnis pour élever et entretenir
nos merveilles.
Pour dignement célébrer cette ère nouvelle qui luit aujourd’hui,
cette histoire glorieuse qui recommence par Darnis, il faudrait mieux que l’éloquence,
il faudrait la poésie de cet enfant de Saint-Illide, Feydit du Belestat,
qui eut son nom parmi les poètes d’autrefois.
A son défaut et mieux que lui une voix nouvelle dans les airs, rappellera
tous les jours des souvenirs qui valent les merveilles de nos montagnes et la
réalisation pour tous d’espérances que nul n’eut osées.
Cette voix toujours vivante et toujours entendue parce que Dieu parle par elle
en la bénissant, cette voix, c’est le bronze attendri de la cloche
qui teinte aujourd’hui ses premiers battements.
Aux dignes enfants de St-Illide qui l’écouteront si souvent à
genoux et tête découverte, elle dira d’aimer comme le fit
Darnis, d’aimer par un puissant et invincible amour, le foyer, la famille
qui le nourrit, les aïeux qui se reposent, sous le gazon, de leur longue
tâche de dévouement et de labeur pour nous.
Plus doux et plus beau que n’a pu le rêver pour nous la patiente
tendresse de nos pères, l’avenir luit sur ce pays et lui appartiendra
toujours, s’il le veut. Qu’ils écoutent surtout ceci dans
la voix de la cloche nouvelle, qu’ils écoutent que la richesse
si enviée, la richesse qui se dérobe si souvent à la force
et au travail des hommes, la richesse fut, dans l’exemple de Darnis, la
récompense d’une robuste vertu de son cœur, vertu qu’il
cachait aux hommes pendant sa vie, mais que savait en lui le Maître de
toutes choses.
Cette vertu que la langue imparfaite nomme Bonté, elle est la plus belle
fille du Ciel sous son vrai nom de « charité » immortelle
souveraine non seulement dans le cœur étroit et éphémère
de l’homme mais au-dessous et au-delà de tous les espaces. A la
religion seule appartient le don et le droit de la louer dignement,
MADAME,
A l’unisson de nos cœurs, le chant sans fin et la prière de
la cloche et de l’église neuve vous réclament pour ce pays
qui doit tout à Darnis. Ici toutes choses ne seront désormais
qu’une manifestation visible de son urne disparue et de sa vie immortelle,
où pourriez-vous être plus aimée que sur cette terre qui
vivra de lui, où tout parlera de lui. Faites-nous cette promesse d’aimer
ce pays comme l’aima Darnis, d’y venir souvent contempler les résultats
de son œuvre. Ainsi nos enfants qui ne l’ont pas connu auront cette
joie d’embrasser sur la main de sa loyale compagne, la mémoire
du père de la Patrie.
Faites-nous cette aimable promesse, afin que dans un bonheur immense, nous puissions
unir dans cette fête, notre salut reconnaissant à la mémoire
de Darnis, notre serment d’être dignes des devoirs et du grand exemple
qu’il nous laisse, et madame
Notre prière attendrie pour votre bonheur.
(Merci à M. Lachaze de nous avoir
communiqué ce document).