Un opposant tenace

La Municipalité de Saint-Illide, on le sait, a toujours appliqué avec souplesse et indulgence les décrets de la Convention mais beaucoup de choses ont malgré tout changé dans le quotidien des Miraliers et il en est qui vivent mal cette période de bouleversements.

Si certains se résignent en silence et espèrent secrètement que l'ancien ordre des choses se rétablisse, d'autres, profitant de l'indulgence du Maire, n'hésitent pas à exprimer ouvertement leur hostilité.

C'est le cas d'Antoine Salvage, métayer à Camps, qui travaillait, avant la Révolution, pour le comte de Fargues, seigneur de Barriac (voir le château de Barriac). Peut-être Antoine partageait-il les idées de son ancien maître, peut-être le départ du comte et la vente de ses biens ont-ils eu des répercussions sur sa vie de métayer... en tout cas le voici maintenant très remonté contre la Municipalité et particulièrement contre la Garde nationale.

Au matin du 16 mai 1792, il se trouve à Treize vents probablement pour faire moudre son grain au moulin. C'est un endroit où les hommes de la commune aiment à se retrouver en attendant de récupérer leur farine. La discussion s'engage et bientôt dérape, Antoine, devant de nombreux témoins, tient "de mauvais propos publiquement contre le corps municipal et la Garde".

Il déclare que la municipalité est "composée de coquins et de gourmands", quant à la Garde, il ne la craint pas et s'en moque. Voulant sans doute mettre les rieurs de son côté, il ajoute qu'il va "les faire labourer tout comme des bœufs ". Il conclut en annonçant qu'il va probablement rejoindre le parti des aristocrates !

Nombre de témoins sont choqués, notamment Pierre Dujeol de Parieu Bas et Louis Martin du bourg. Tous les deux décident d'aller rendre compte de cet incident devant le Conseil municipal. C'est chose faite dès le lendemain midi.

Le procureur de la commune pense que l'affaire est grave et qu'il serait bon de déposer plainte devant le juge de paix du canton ; le Conseil hésite...

L'essentiel n'est-il pas de maintenir la cohésion de la commune ? Déposer une plainte n'est-ce pas prendre le risque de faire éclater la paix relative qui règne à Saint-Illide ?

Le Conseil, encore une fois, opte pour la prudence et la modération : aucune plainte ne sera déposée, mais Antoine Salvage, lui, n'en restera pas là puisqu'il n'hésitera pas, quelques mois plus tard, à cacher un déserteur (voir les soldats de l'an II à saint-Illide).