Lavoirs, réservoirs et serbes (2)

2 -Les serves et réservoirs
 
S'il fallait faire ici un bel article bien documenté et illustré sur les réservoirs et serves (ou serbes), c'est raté...
D'abord, aucune photo de ces réservoirs dans nos propres archives. Aucune photo non plus sur Internet, malgré une consultation minutieuse.
 
Pour donner une image tout de même, il a fallu se tourner vers la peinture et faute d'œuvre consacrée aux réservoirs, c'est le célèbre tableau de Pissarro, "Les Lavandières" que je vous propose pour avoir une idée de ce qu'étaient nos lavandières à nous, au bord du réservoir, un peu plus habillées sans doute, que celles de Pissarro...
 
Pas davantage trace de ces réservoirs et serbes sur les cartes, même les plus détaillées. Il y en avait pourtant beaucoup, un peu partout dans les prés, mais ils étaient trop petits, peut-être 50 à 150 m2 pour les plus grands, pour être cartographiés. Seul un satellite pourrait nous dire aujourd'hui s'il en reste à St Illide...
Sans doute encore quelques uns, pas tout-à-fait envahis par la végétation.
Mais la plupart n'ont laissé aucune trace. La source n'a pas été entretenue. Elle est désormais enfouie sous terre et ces réservoirs se confondent avec la prairie. Peut-être encore, ici ou là,  une tache un peu plus verte..
 
Mais qu'est ce donc qu'un réservoir et une serve ?
 
On peut déjà dire ce qu'il n'est pas : Ce n'est pas un lac, bien trop petit pour mériter ce nom, ni un étang qui occupe un creux de terrain, ni une mare qui est une flaque d'eau dormante. Ce n'est pas non plus une retenue d'eau, quand on barre une dépression de terrain grâce à une digue ou une vanne pour créer un plan d'eau.
 
Non, le réservoir est toujours situé en haut d'un pré ou à mi-pente.
C'était toujours une création humaine. L'objectif pour les paysans, dans les siècles passés, était de rassembler l'eau d'une source pour la répartir et fertiliser ainsi toute l'étendue du pré.
De là, des rigoles soigneusement dessinées et refaites chaque hiver à partir d'un réservoir qu'on installait le plus haut possible pour répandre l'eau sur une plus grande surface.
Cette volonté d' irrigation des prairies et pacages aboutissait à un ou plusieurs réservoirs par pré selon sa dimension, son relief et la vigueur de ses sources.
 
La serve ou serbe était aussi un réservoir, peut-être encore mieux travaillé, comme un bassin d'eau aux bords plus réguliers, plus précis...
Je me souviens, quelques Miraliers aussi certainement, de la "Serbe de Catou", un peu mythique pour moi qui ne l'a sans doute jamais vue. Où était elle ? près du bourg, je crois...
 
Quant aux réservoirs, quand je les ai connus dans les années 50,  il était déjà trop tard ! Le vieux temps était passé. Certes,  il y avait encore quelques ruisseaux d'irrigation dans les prés mais vite, ils disparaîtront, faute d'entretien.
Les réservoirs, eux aussi, n'étaient plus entretenus, envahis par les joncs, les broussailles, la vase, encadrés de ruisseaux boueux dès qu'il avait plu.
 
Mais quelques uns servaient encore au rinçage du linge. On se rappelle que si quelques seaux d'eau suffisent pour le lavage, le rinçage, lui, exige de grandes quantités d'eau claire seulement disponibles, faute de lavoir ou de rivière à proximité, dans un réservoir ou une serve.
 
Je me souviens avoir vu de ces réservoirs utilisés pour le rinçage du linge, avec un accès un peu dégagé, une aire en terre ou en herbe entretenue, une grande ardoise au bord de l'eau, joli cadre plein de charme mais qui exigeait tout de même de la ménagère une paire de bottes ou de sabots pour traverser le pré, les pieds au sec.
J'en ai vu de ces réservoirs au Bouissou, à La Bontat, dans le grand pré au dessus de l'école, aussi au pré des Bragues, sous le bourg...
Il y en avait certainement  plusieurs autres dans les villages. Mais, quelques années plus tard, ils seront tous rapidement désertés, la machine à laver venait d'arriver...
 
En réalité, le principal intérêt de ces réservoirs et même le seul pour moi et tous les autres jeunes sans doute, était que les grenouilles s'y plaisaient.
Pas de pêche plus facile que la pêche à la grenouille, plus facile encore que la pêche aux écrevisses !
Une gaule toute simple, un fil et un hameçon au bout. A défaut, une épingle courbée fera l'affaire.
L'appât ? N'importe quoi. Une sauterelle le plus souvent mais aussi un autre insecte, un bout de chiffon, quelques herbes, quelque chose qu'il faut seulement agiter juste sous le museau de la grenouille. Vous la voyez toute entière flottant sur une feuille  ou, immergée, montrant seulement ses beaux yeux dorés...
Attention d'avancer doucement. Elle vous voit et vous entend ; elle est méfiante. Pas de bruit, pas de geste brusque, sinon elle plonge et disparaît.
Hop ! elle vient de sauter sur l'appât, elle est prise, vite décrochée de l'hameçon et mise dans le sac. A la suivante !

Ce petit film amateur illustre assez bien mon propos (toutes les grenouilles ont été relâchées) :

 

Je vous épargnerai le  traitement sanglant infligé à ces pauvres grenouilles avant que leurs cuisses ne finissent en cuisine, plat délicieux s'il est bien préparé ! Les anglais sont bien sots de n'en rien savoir...
 
Mes souvenirs foisonnent sur ces moments et ces lieux de pêche dont on rentre rarement bredouilles.
C'est au Bouissou en allant vers la Vialotte, où j'ai ramené un jour, au bout de ma ligne, une grenouille et une couleuvre qui déjà lui avalait les pattes arrière ; c'est dans la propriété de M. Serres (ferme Lamouroux), sous Albart et Leygues, où les grenouilles étaient plus grosses ; c'est aussi au pré des Bragues, dans un réservoir bordé de sureaux odorants au printemps ; c'est encore à Marte-Cerise, endroit presque mythique, au bout des bois, dans un grand pré isolé où s'étageaient trois réservoirs, pas très loin du chemin du Couderc.
 
Ailleurs encore, certainement, et tant d'autres serves et réservoirs partout dans la commune et plus loin, qui aujourd'hui sont quasiment tous disparus depuis longtemps...