Lavoirs, réservoirs et serbes

1- Les Lavoirs
 
Le lave-linge est une belle invention ! Et pour les rares qui n'en ont pas, les laveries automatiques.
Mais ce miracle qui économise beaucoup de temps et de fatigue est si banal qu'aujourd'hui, on en oublie qu'il y a deux générations à peine, c'était encore le temps des lessiveuses.
 
Souvenons nous : Il y a moins de 50 ans, chaque famille, à St Illide comme ailleurs, possédait sa lessiveuse.
Vous savez, ce grand récipient évasé en zinc avec couvercle et deux poignées et, à l'intérieur, un champignon ou plutôt un pommeau au bout d'une cheminée placée sur un double fond.
 
Tous les enfants ont été un jour ou l'autre, émerveillés par la cérémonie de la lessive : La lessiveuse pleine d'eau et de linge est placée sur le feu avec des copeaux de savon, des cristaux de soude ou même de la cendre de bois.  Et l'eau se met à bouillir, le pommeau tout en haut vomit à gros bouillons l'eau fumante qui redescend, traverse le linge, retombe au fond pour remonter à nouveau...
De la magie, non ?
 
C'était un rite important dans la vie de la maison. Une fois par mois, au moins, parfois plus souvent, le linge était lavé dans la cour derrière la maison, puis rincé dans un grand cuveau rempli d'eau fraîche avec une boule de "bleu Reckitt" pour le blanchir.
Les plus de 50 ans se souviennent forcément de ce petit cylindre bleu, d'une couleur si vive, qui n'a pas toujours été "Reckitt" avant que la société américaine Reckitt ne rachète tous les petits fabricants français...
On n'a rien inventé de nos jours...
 
Mais le linge ainsi blanchi avait encore besoin d'être rincé à grande eau. Tout allait bien si on habitait près d'un ruisseau, d'une rivière, d'un "réservoir" ou d'une "serve" (on prononce souvent "serbe"). Mais sinon ? Il fallait se débrouiller ou aller au lavoir.
 
Le besoin d'un rinçage vigoureux était le même avant l'invention de la lessiveuse au XIXème siècle.

A cette époque lointaine, la grande lessive des draps de l'année était un événement. Ces rudes draps de lin ou de chanvre, certaines familles en conservent encore, qu'il fallait faire détremper quelques jours dans des grands baquets en bois. Puis, tout cela devait bouillir au moins une demi-journée dans un grand chaudron de fonte posé sur quatre pieds. Il fallait encore "touiller" de temps à autre avec une grande pelle pour que le "lessif" pénètre bien partout.  La tâche était si rude, même au temps des lessiveuses, que les familles un peu aisées prenait une personne à la journée pour ce dur labeur.

Qui se souvient encore de Melle Battut, si petite et menue et pourtant vigoureuse, qui gagnait sa vie dans les années 1920-1950 en allant faire la lessive chez les autres ? On la croisait dans le bourg, toujours souriante, poussant sa brouette chargée de linge jusqu'au lavoir. Elle habitait une maisonnette décrépite et minuscule, avec une seule pièce, juste en face du lavoir, alors situé près de la maison Visy, presqu'à la sortie du bourg. 
Il y avait à St Illide un deuxième lavoir, identique au premier, exactement à l'emplacement actuel du garage accolé à la maison de M. Faliès, l'ancien maçon, dans la descente du Couderc-Majou, après l'école.  Ces deux lavoirs, faute de fréquentation, ont été vendus par la commune, sans doute dans les années 60. Ils n'étaient pas très anciens, probablement du début du XXème siècle ou un peu avant, et ne représentaient pas une richesse architecturale au contraire de beaucoup de communes qui ont conservé et mis en valeur leurs vieux lavoirs, souvent en bordure de rivière ou d'étang.

Tels qu'ils étaient, nos deux lavoirs étaient très bien conçus pour leur usage. Malheureusement, nous n'en possédons aucune photo (évidemment, si des Miraliers en ont dans leurs tiroirs, qu'ils n'hésitent pas à nous les communiquer !). De forme rectangulaire, ouverts en façade sur la rue et sur les murs latéraux, les deux lavoirs étaient couverts d'un toit d'ardoise et comportaient chacun, deux grands bassins en maçonnerie. L'eau arrivait abondamment dans le bassin d'amont qui servait au rinçage, car il faut une grande quantité d'eau claire pour rincer le linge. Le bassin d'aval servait, lui, au savonnage et au lavage. Un banc de lavoir était adossé au mur du fond pour que nos lavandières, car c'est un univers exclusivement féminin, puissent poser leurs panières, leurs effets et leurs pièces de linge.  Il se dépensait dans ces lavoirs beaucoup d'énergie. Les lavandières à genoux, utilisaient les rebords du bassin aménagés en plans inclinés, pour tordre vigoureusement les pièces de linge, les retremper dans l'eau, les frapper avec un battoir pour en exprimer l'eau et retordre encore et encore le linge dans tous les sens... 

Une petite démonstration par des lavandières du midi :

 

Qu'y avait-il avant la construction de ces deux lavoirs ? A ces endroits forcément bien pourvus en eau de source ? d'autres lavoirs plus anciens ? nous n'en savons rien actuellement. Le plus probable est que, comme dans les villages, les Miraliers avaient l'obligation, sinon d'aller  jusqu'à la rivière car elle est loin et difficile d'accès, mais vers les réservoirs et les serves pour laver ou, au moins, rincer leur linge.