Le nouveau calendrier

L’ordre est venu de la Convention : à partir du 5 octobre 1793, « l’ère vulgaire » sera abolie et le calendrier républicain rentrera en vigueur sur tout le territoire de la Nation.
Les choses se sont passées en douceur. Déjà, depuis la prise de la Bastille, on avait pris l’habitude de compter à partir de 1789, cette année devenant l’an I de l’ère de la Liberté. La structure du calendrier restait cependant inchangée (voir notre article sur les jureurs).
Plus tard, en 1793, un groupe de travail a présenté à la Convention un projet de refonte totale du calendrier. Cette fois, tout est bouleversé : L'année est découpée en douze mois de trente jours chacun, plus cinq à six jours ajoutés en fin d'année. C’est Fabre d’Eglantine (l’auteur de la fameuse chanson « Il pleut bergère ») qui est chargé de trouver les noms de ces nouveaux mois. Il laisse libre cour à son imagination, dans un mode bucolique et évocateur très en vogue à l'époque. Les mois d’automne seront Vendémiaire, Brumaire et Frimaire ; les mois d’hiver Nivôse, Pluviôse et Ventôse ; les mois du printemps Germinal, Floréal et Prairial ; les mois d’été Messidor, Thermidor et Fructidor.
Chaque mois est découpé en trois décades de dix jours qui se nomment : Primidi, Duodi, Tridi, Quartidi, Quintidi, Sextidi, Septidi, Octidi, Nonidi et Décadi.
Les noms des saints associés à chaque jour sont supprimés et remplacés par des mots évoquant la Nature et les travaux des champs (charrue, endive, miel …). Le 22 septembre 1792 est choisi comme étant le premier jour de la nouvelle ère … C’est l’an I de la République.

Pour les Miraliers, le bouleversement est de taille car les implications sont multiples. La vie à Saint-Illide est, depuis la nuit des temps, rythmée par le vieux calendrier grégorien. La République en s’en démarquant entend bien rompre avec la religion et s’affirmer comme un état laïc. Il va donc falloir aux citoyens s’affranchir des fêtes qui ponctuaient l’année comme autant de rituels et, plus grave peut-être, du repos dominical, le seul jour de repos légal étant désormais le Décadi. Un jour sur dix et non plus un sur sept !

Dans un premier temps, les Miraliers se montrent dociles et on remarque que les activités du village battent leur plein les jours des « ci-devant* fêtes et dimanches ». Le maire a même fait travailler le 9 juillet (21 messidor), le jour du saint patron !
Un observateur le note « on ne marque plus de fanatisme dans cette commune ».

Saint-Illide semble alors en phase avec les villages environnants et Dominique Mirande, agent national du district de Mauriac, peut rapporter : "Les temples de la Raisons sont très fréquentés, le peuple ne se rappelle presque plus qu'il a eu des prêtres, des processions et des messes."

Les choses se gâtent pourtant à partir du 10 Messidor an II (28 juin 1794), ce jour-là, un membre du Conseil municipal remarque que, les jours des ci-devant dimanches et fêtes, beaucoup de citoyens et de citoyennes s’assemblent dans le cimetière, que d’autres n’observent pas la décade et qu’on ne les voit jamais aux instructions de philosophie et de Raison qu’on leur propose, ni même à la lecture des décrets de la Convention.
Alarmé par la situation, le Conseil municipal promulgue l’arrêté suivant :
· Article 1er : Tous les citoyens et citoyennes qui ne travailleront pas les jours de ci-devant dimanches et fêtes seront déclarés suspects à moins qu’ils n’ayent des excuses légitimes. La commune invite le comité de surveillance à donner l’exemple comme aussi de donner une liste de ceux qui ne travailleront pas.
· Article 2e : Seront déclarés suspects ceux qui ne se rendront pas au Temple de la Raison ou à la maison commune et laisseront passer plusieurs décades sans entendre la lecture des décrets.
· Article 3e : Il est défendu à tout citoyen et citoyenne de s’assembler sur le cimetière les ci-devant fêtes et dimanches ainsi que dans tout autre lieu.

Dans cet arrêté, le Conseil municipal s’appuie donc sur la fameuse « loi des suspects » votée en septembre 1793 et qui ordonne l'arrestation de tous les ennemis avoués ou susceptibles de l'être de la Révolution (nobles, parents d'émigrés, fonctionnaires destitués, officiers suspects de trahison, accapareurs …) L'exécution de cette loi (dont le contenu se durcit encore en 1794) et les arrestations furent confiées aux comités de surveillance. Nous ne savons pas si certains Miraliers furent réellement inquiétés par ces mesures.

*Ci-devant : ce mot, très utilisé sous la Révolution, signifiait "anciennement", "précédemment"