La bascule publique

1877 : La courbe démographique nous le montre, Saint-Illide est à l'apogée de sa prospérité. La République est de retour, la France va connaître une période de paix de plus de quarante ans, le chemin de fer et l'ouverture de la gare de Parieu-Bas favorisent le commerce (on compte alors au moins une grande foire par mois). La commune profite également de l'immense fortune léguée par Pierre Bos-Darnis et entreprend d'importantes réformes (le déplacement du cimetière, par exemple).

Plus jamais Saint-Illide ne connaîtra un tel élan et un tel dynamisme. C'est dans ce contexte que le Conseil municipal décide, le 15 août, de mettre en route un nouveau projet : l'installation au coeur du village d'une bascule publique. On prévoit un budget de 2400 F.

Il faut d'abord choisir un emplacement relativement plat. Le village étant en pente, la municipalité n'a guère le choix et c'est le terrain situé devant la cure, au bord de la route, qui est plébiscité. Seul problème : une vieille dame, la veuve Girbes, y possède une fourniale. Qu'à cela ne tienne, on indemnise Mme Girbes et on détruit le vieux four qui d'ailleurs était beaucoup trop proche de la route et gênait la circulation.

Vient le choix de l'instrument en lui-même qui se compose d'un plateau entouré de barrières amovibles (pour contenir le bétail), d'un mécanisme souterrain et d'une cabine de pesage, petit bâtiment qui abrite le "bras" de l'appareil avec son contre-poids coulissant permettant de lire la pesée. Ces bascules fonctionnent sur le principe de la balance romaine et sont d'une grande précision si elles sont bien réglées.

Les Miraliers souhaitent que l'instrument puisse supporter jusqu'à 5 000 kg. Le Conseil municipal ajoute : "Cette bascule devra provenir des usines de la Mulatière et être de première qualité."
Ces usines, situées à Lyon, sont à l'époque les spécialistes de la pesée et fabriquent une gamme d'instruments allant de la petite balance Roberval aux très grosses bascules pouvant peser plusieurs dizaines de tonnes. On commande également "une série de poids en fonte faisant 100 kg" nécessaires à la vérification annuelle du plateau de la bascule.

Les travaux d'installation coûtent encore 886 F et le 23 janvier 1878, la bascule publique de Saint-Illide est inaugurée... mais publique ne veut pas dire gratuite et un arrêté du Conseil municipal fixe les tarifs avec précision :

Dix centimes par 100 kg pour toutes les espèces de marchandises ayant un poids total inférieur à 10 quintaux mètriques ; pour les poids supérieurs, l'excédent ne paiera que cinq centimes par 100 kg.

Les droits pour les animaux vivants sont ainsi fixés :

En 1914, le Conseil municipal décide d’adjoindre à la grande bascule une bascule de poids moyen, la déclaration de guerre va malheureusement retarder ce projet.
Ce n’est qu’en 1930 que le maire, Léon Fleys, reprend l'idée. Le 27 avril, le Conseil passe commande auprès des établissements Trayvou et Cie, constructeur d’appareils de pesage aux usine de La Mulatière dans le Rhône, d’une bascule à bétail d’une force de 500 kg. L’achat, le transport et l’installation de l’instrument coûteront à la commune 2 200 F.

Les bascules feront fidèlement leur office et fonctionneront jusque dans les années 1950.

Certaines bascules publiques sont encore en état de marche. Celle de Champs-sur-Tarentaine, dans le nord du département, est très comparable à la bascule de Saint-Illide.